Article paru dans Sécurité globale, automne 2009.
Ilan Juran,
Professeur, Polytechnic Institute, New York University .
Bruno Nguyen,
Directeur des opérations d’eau de Paris.
Sion Cohen,
Vice-président du planning et des infrastructures de Mekorot.
L’alimentation en eau potable est un service essentiel tout à fait particulier doté de caractéristiques qui le rendent à part:
– c’est un service continu encore plus indispensable en milieu urbain pour des raisons sanitaires (évacuation des eaux, vanne et hygiène) et vitales (pour la consommation directe et la cuisine) ;
– le produit peut se dégrader du point de vue qualité et le nombre de paramètres à suivre est très important ;
– la ressource dépend d’aléas climatiques (quantité) et environnementaux (pollutions) qu’il est difficile de maîtriser et de prévoir ;
– l’ infrastructure du système d’alimentation en eau est très coûteuse, soumise à des contraintes extérieures et souvent peu accessible pour les travaux ;
– les réseaux de canalisations sont étendus et difficiles à surveiller ;
– les phénomènes hydrauliques sont complexes et leur modélisation nécessite une connaissance détaillée et exacte des installations et de leur état ;
– les utilisations sont très diversifiées (usagers domestiques, industriels, artisans,
municipalités, pompiers…) ;
– les solutions de secours et d’autonomie sont très limitées dans des centres urbains à forte densité ;
– enfin, il faut ajouter que de tout temps, l’accès à l’eau a été un enjeu politique, économique, et stratégique majeur.
Dans ces conditions, il n’y a rien d’étonnant à ce que la vulnérabilité des réseaux d’alimentation d’eau potable soit l’objet d’attentions particulières tant au niveau des gouvernements que des opérateurs qu’ils soient publics ou privés.
Dans la situation post-attentats du 11 septembre 2001, le niveau de vulnérabilité des réseaux essentiels (transports, communications, énergie, eau…) a été revu dans de très nombreux pays avec à la clé des objectifs de sécurité revus à la hausse. En France, après la refonte du plan Vigipirate, la publication par le ministère de la Santé d’un guide d’évaluation de la vulnérabilité des réseaux d’eau potable et la récente Directive nationale de sécurité avec son volet « eau » illustrent l’attention qui est portée aux risques pouvant influencer totalement ou partiellement l’activité de distribution d’eau potable.
Il était inévitable que les initiatives déployées ici et là dans le monde sur la maîtrise de la vulnérabilité des réseaux d’eau potable finissent par se rencontrer d’une manière ou d’une autre. Toutefois les rapprochements pour une coopération efficace dans ce domaine buttent sur plusieurs difficultés :
– les protocoles de coopération au niveau des états où, en grande majorité, cette compétence opérationnelle relève du niveau local sont souvent lourds et peu adaptés pour ce qui concerne l’eau ;
– le sujet étant sensible, les échanges se trouvent freinés par la nécessaire confidentialité qui doit exister en particulier pour l’accès à des informations à diffusion restreinte ;
– un climat de confiance réciproque est indispensable pour une coopération réelle, et des règles strictes doivent pouvoir s’imposer à tous les participants. Malgré ces difficultés, des initiatives de coopération et des groupes de travail voient le jour à tous les niveaux, parmi lesquels on peut citer l’ASTE au niveau français, les travaux de normalisation ISO et CEN, l’IWA, l’EWA ou les Nations unies.
L’association internationale W-SMART a été créée, à l’initiative de Joël Miele, le commissaire de la ville de New York pour l’eau, l’assainissement et la protection de l’environnement (NY CDEP – New York City Department of Environmental Protection) à l’issue des attentats du 11 septembre 2001, pour établir une solidarité internationale entre les grands opérateurs de l’eau en milieu urbain face aux menaces du terrorisme en expansion rapide à l’échelle planétaire.
Genèse de l’Association W-Smart
En 1993, à l’initiative conjointe des maires de Paris et de New York, un programme de coopération a été instauré entre les services techniques municipaux des deux villes. Ce programme, coordonné par l’Institut polytechnique de l’Université de New York, portait sur plusieurs domaines comme la voirie, la propreté, les espaces verts, l’eau et l’assainissement. Pour ce qui concerne l’eau potable, les interlocuteurs choisis des deux côtés de l’Atlantique étaient le New York City Department of Environmental Protection (NYCDEP) et Eau de Paris – SAGE P. La forme prise par la coopération dans le domaine de l’eau potable entre les deux services techniques s’est traduite au fil des années par l’organisation d’un colloque annuel sur des sujets aussi variés que les technologies sans tranchées (no dig) ou la télégestion (scada systems). Le lieu de la conférence alternait alors entre les deux villes, et certains intervenants qui ne pouvaient pas se déplacer y participaient au moyen d’une video conférence. Ainsi, des conférences ont eu lieu en 1999 à New York, en 2000 à Paris, et il était programmé une conférence à New York le 30 septembre 2001…
Les attentats du 11 septembre ont eu l’impact que l’on connaît et le NYCDEP a été l’un des services les plus actifs dans la gestion de la crise et dans la reconstruction post-attentats. Malgré la situation de crise, à peine 2 semaines après les attentats, Joël Miele décida de maintenir la conférence, de l’étendre à d’autres opérateurs nord américains, européens et israéliens, et d’en adapter le thème à la situation particulière. Les participants ont pu aborder en direct Avec les responsables new-yorkais les conséquences immédiates de la crise, la façon dont elle était et avait été gérée, les procédures, les stratégies et les moyens qui auraient permis d’en réduire les conséquences.
Cette expérience unique de partage à chaud de l’expérience de la crise entre opérateurs ainsi que les échanges d’avis et de recommandations ont été salués par tous les participants. Ils ont débouché sur la volonté unanime de promouvoir la solidarité internationale entre les opérateurs de réseaux métropolitains d’alimentation en eau face aux menaces de terrorisme et de poursuivre les réflexions sur les enjeux de la sécurité de l’eau au sein d’un groupe de travail international regroupant les opérateurs publics et privés intéressés. La coordination de ce groupe de travail a été confiée par Joël Miele à l’Urban Utility Centre de l’Université Polytechnique de New York. En octobre 2002, la première réunion du groupe de travail avait lieu à Paris, sous la coprésidence d’Eau de Paris et de NYCDEP avec la participation d’AMWA (l’Association of Metropolitan Water Agencies), partenaire stratégique de W-SMART dès sa création.
Créée officiellement à Paris en décembre 2005, W-SMART s’est donnée pour objectif de rassembler des opérateurs publics et privés de l’alimentation en eau potable de grandes villes, de promouvoir les échanges de leurs expériences au sein d’un environnement sécurisé, d’évaluer ensemble les mesures de sécurité envisagées par les autorités nationales et fédérales et de leurs impacts opérationnels, sécuritaires, et financiers sur les opérateurs, ainsi que d’évaluer et d’accélérer l’utilisation fiable des nouvelles solutions technologiques et des systèmes « intelligents » d’aide à la décision pour améliorer leur capacité de détection, de prévention et de gestion de crise. Cette coopération souhaitée par l’ensemble des participants s’appuie résolument sur les besoins prioritaires d’opérateurs et leurs enjeux opérationnels. Elle a pour but le renforcement de la sécurité d’alimentation en eau des populations métropolitaines vis-à-vis des catastrophes naturelles et des conséquences du terrorisme, tant par l’amélioration des mesures de sécurité et des capacités techniques pour mieux répondre aux situations de crise que par la mise en oeuvre des systèmes permettant un retour rapide à la normale.
Définition de la crise
La sécurité d’alimentation en eau est définie comme la capacité de l’opérateur à fournir de l’eau au robinet des usagers en quantité et en qualité suffisantes ; tant en temps normal qu’en situation de crise (catastrophes naturelles, actions terroristes ou liées à l’activité humaine, directe ou indirecte). Une crise correspond à une période de perte de contrôle ; sa durée n’est pas nécessairement connue au moment où elle commence. Cependant sa gestion doit converger vers un moment où les effets de la crise ne sont plus ressentis et la gestion des réseaux d’eau peut alors suivre les procédures correspondant aux conditions opérationnelles normales. Selon la définition d’ISO, la préparation à la crise et la mise en place d’une gestion efficace lorsqu’elle survient, visent à la fois :
– à en réduire les conséquences néfastes sur le niveau de service ;
– à permettre une restauration rapide du service dans des conditions acceptables avant de retrouver définitivement une situation normale. Sécurité active et sécurité passive
Lorsque l’on étudie et que l’on compare la préparation à la crise chez les opérateurs de grands systèmes urbains pour l’alimentation en eau potable dans différentes parties du monde, on observe généralement une déclinaison suivant deux axes principaux complémentaires et interdépendants :
– la définition, l’estimation et la mise en place de moyens de protection et de prévention capables à la fois de limiter les occurrences d’apparition de crises et de contenir leurs effets ;
– le développement de procédures visant à conduire les opérateurs à la mise en place des structures de gestion de crise et à la mobilisation de moyens adaptés aux situations d’urgence ; notamment l’information, la mobilisation voire l’éducation des populations à ces situations.
Pour le premier axe, il s’agit principalement de protections physiques que l’on pourrait qualifier de sécurité passive associée aux infrastructures essentielles, qui répondent à des risques identifiés et analysés et pour lesquels des solutions ont été imaginées.
En conséquence, les protections passives ont souvent des coûts importants ; elles ne peuvent répondre qu’à des situations bien précises et elles présentent une stabilité dans le temps, sous réserve de faire l’objet d’une maintenance régulière et efficace d’installations qui par ailleurs sont par définition rarement sollicitées. Le déploiement des protections passives est en général automatique.
Le deuxième axe, que l’on peut qualifier de sécurité active, s’appuie pour sa part sur l’élément humain. Il suppose que les acteurs soient non seulement parfaitement informés de ce qu’ils doivent faire mais aussi que leurs compétences, leurs positionnements et leurs motivations soient au niveau attendu. Le coût de la sécurité active est bien inférieur au coût de la sécurité passive. La sécurité active requiert une attention continue par la réalisation périodique d’exercices, le rappel régulier des consignes, ainsi qu’un management qui met en valeur la transmission du savoir et les retours d’expérience. La sécurité active est basée sur des principes de réactivité et d’adaptabilité qui lui confèrent l’avantage de pouvoir être efficace même face à un type de crise imprévu.
Chaque entreprise connaît bien ces concepts qui sont mis en application dans la prévention des risques d’incidents, où l’on associe d’un côté les infrastructures et les normes, et de l’autre les exercices et les formations. Il est toujours surprenant de constater à quel point la culture propre de chacun au travers de son environnement éducatif, législatif ou historique, influence la définition et la déclinaison des concepts de sécurité passive et de sécurité active.
Les principes de sécurité et les différents modèles d’analyse de vulnérabilité font l’objet d’échanges enrichissants au sein de W-SMART.
La boucle vertueuse de l’amélioration continue
Le processus d’amélioration continu, bien écrit dans les systèmes d’assurance qualité, permet à ceux qui l’appliquent de profiter de chaque incident ou crise pour en tirer des enseignements précieux et améliorer sa préparation en prévision de l’incident suivant. Cette méthode correctement appliquée permet d’apprendre autant de ce qui a bien fonctionné que de ce qui doit être amélioré.
Il ressort que les incidents ou les situations de crise réellement vécues sont le moteur principal d’un cycle d’amélioration. Or ceux qui souhaitent améliorer leur capacité à se préparer et à gérer les crises ne peuvent ni espérer que de telles situations se produisent chez eux, ni attendre simplement qu’elles surviennent.
C’est pourquoi le partage au sein d’un groupe d’opérateurs des réseaux d’eau des expériences acquises lors de la gestion d’incidents auxquels ils sont parfois confrontés représente des opportunités très précieuses permettant à chacun de s’améliorer, sous réserve toutefois que les événements et leurs analyses soient délivrés en toute franchise et avec suffisamment de détail. On comprend alors aisément que la confiance entre les membres du groupe est un élément indispensable à cet exercice, et que les informations partagées ne sont pas destinées à être divulguées sauf autorisation formelle de celui ou ceux qui en sont à l’origine.
Mission et objectifs de l’Association W-SMART
La mission de W-SMART est de créer un forum international pour promouvoir et faciliter le partage d’informations, les échanges d’expériences et la coopération principalement entre les exploitants publics et privés des réseaux d’alimentation en eau potable des populations métropolitaines ; elle vise également à promouvoir le dialogue et la coopération avec les associations qui regroupent ces exploitants ; avec les autorités internationales, nationales et locales ; et enfin, avec les pôles de recherche appliquée dans le domaine de l’eau potable. Pour réaliser sa mission, l’Association W-SMART s’est donnée pour objectifs de mettre en oeuvre les actions suivantes :
1. Organiser un workshop annuel de W-SMART pour promouvoir les échanges d’expérience entre les opérateurs, évaluer les mesures de sécurité envisagées par les autorités nationales ou fédérales et développer le dialogue avec celles-ci sur les impacts opérationnels, sécuritaires et financiers de ces mesures, ainsi que pour partager les réflexions sur les pratiques adoptées par les opérateurs et évaluer les développements industriels, les expérimentations et les applications de nouvelles technologies.
Ce forum international de spécialistes de l’eau (décideurs, spécialistes de la sécurité, exploitants et chercheurs) a en particulier pour but d’évaluer et de définir des mesures de sécurité pour améliorer la capacité des opérateurs à gérer des situations de crise, d’accélérer les développements des nouvelles technologies et leur normalisation, et enfin d’évaluer les règlements et les politiques de sécurité mis en place par les autorités nationales pour la gestion des réseaux d’eau potable.
2. Créer un forum international d’opérateurs pour l’évaluation et l’amélioration des pratiques de sécurité. Riche de son expérience collective, le rôle de ce forum est d’aviser les opérateurs de services de l’eau, sous forme d’un manuel périodique, sur les technologies innovantes, sur les développements des méthodologies de gestion de sécurité des réseaux, ainsi que sur l’évaluation pratique de ces nouvelles solutions technologiques à partir d’expérimentations ou d’applications concrètes sur les réseaux urbains. Ce manuel présente une synthèse de l’expérience collective des organisations membres de W-SMART.
3. Faciliter la coopération entre les opérateurs pour le développement des projets communs visant leurs besoins prioritaires. L’objectif est d’établir des protocoles de coopération entre les organisations membres de W-SMART permettant de mutualiser leurs ressources, leur expertise et leurs expériences afin d’entreprendre ensemble le développement, la mise en oeuvre et le suivi des projets communs pour renforcer leur capacité à répondre aux défis de la sécurité de leurs réseaux.
4. Offrir un système d’information sécurisé pour établir des bases de données, répertorier et analyser les données concernant les occurrences de désastres et leurs impacts sur les réseaux de distribution d’eau potable, et permettre aux organisations membres de W-SMART et d’AMWA de partager leurs expériences dans un environnement de confiance mutuelle.
5. Créer des partenariats de recherche et développement. Ces partenariats, regroupant souvent les opérateurs intéressés, les industries de technologies innovantes et les pôles de recherche ont essentiellement pour objectif d’identifier des solutions technologiques émergentes, de soutenir les recherches appliquées pour leur développement industriel, et d’accélérer leur expérimentation sur des chantiers pilotes, leur évaluation et leur normalisation en vue de leur industrialisation.
6. Offrir une formation de manager de gestion de crise et des conseils techniques aux opérateurs concernés par la préparation, l’exécution et l’évaluation des exercices de gestion de crise. L’objectif principal est de promouvoir le partage des expériences acquises et l’évaluation des pratiques adoptées par les membres, notamment par la participation des membres de W-SMART et d’AMWA en tant qu’observateurs dans l’exécution et l’évaluation des exercices de gestion de crise menés par d’autres membres. Ces observateurs partagent ensuite leur expérience au cours des séances de debriefing avec le manager
de l’exercice. W-SMART offre également une assistance technique aux membres concernés par l’évaluation et l’amélioration de leurs stratégies de gestion de crise en capitalisant sur une synthèse enrichie de l’expertise collective des membres.
7. Développer la collaboration entre le secteur de l’eau et les autres réseaux d’infrastructures critiques, notamment les gestionnaires des réseaux urbains (gaz, électricité, télécommunication, transport, etc.) et les autres acteurs concernés, dans le but d’identifier des interdépendances et des stratégies communes et de renforcer la sécurité des réseaux urbains ;
8. Représenter l’intérêt des membres de W-SMART auprès d’autres organisations (IWA, ISO, Organisations d’aide internationales, etc.) afin de :
– favoriser des partenariats stratégiques ;
– mettre en valeur et utiliser l’expertise collective des membres ;
– élaborer des normes ;
– explorer les opportunités de cofinancement pour les projets prioritaires identifiés par les membres de W-SMART.
9. Créer, avec l’appui et la coopération de l’IWA, un réseau international d’experts, capable de fournir une assistance technique appropriée aux organisations internationales, aux gouvernements nationaux et locaux, et aux opérateurs de réseaux d’eau pour des régions ayant subi des catastrophes ; une telle assistance technique peut inclure une expertise sur place, une aide internationale mobilisant les ressources critiques, la formation et l’éducation, et toutes autres activités techniques mutuellement identifiées par les gouvernements locaux, bénéficiaires de cette assistance technique et les membres concernés de W-SMART.
Le fait que W-SMART soit reconnue par les organismes régulateurs internationaux et gouvernementaux de pays comme la France, les États-Unis, Israël, le Portugal et le Royaume-Uni, est le résultat de la reconnaissance d’un besoin réel et d’un intérêt partagé par la communauté des professionnels de l’eau dans son ensemble.Dès sa création en 2005, W-SMART, en coopération avec AMWA a organisé des workshops annuels sur différentes thématiques concernant les méthodologies de gestion des crises, les mesures de sécurité de réseaux métropolitains d’alimentation en eau potable et les nouvelles technologies.
Les opérateurs de grandes villes, membres de W-SMART , ont très généreusement offert l’hospitalité de leurs villes pour l’organisation de ces workshops. Leurs thématiques sont présentées sur le site web de W-SMART www.w-smart.info/wsmart. Par ailleurs, en coopération avec IWA et d’autres organisations internationales, notamment l’UNICEF, les Nations unies, etc. W-SMART a co-organisé des workshops ouverts à la communauté internationale.
Parmi ces workshops, on peut noter celui organisé par l’UNICEF en coopération avec W-SMART, AMWA et IWA à l’issue du tsunami, en 2004, pour soutenir les gouvernements locaux dans la région affectée et renforcer la coopération internationale face aux taches considérables de la reconstruction de leurs réseaux d’eau potable et d’assainissement.
Il est à noter que depuis sa création l’association s’est donnée aussi pour objectif de contribuer concrètement au renforcement de la capacité de détection, de prévention et de gestion de crise en développant, plus particulièrement, deux domaines d’activités, notamment :
Les projets de recherche, développement et évaluation in situ des nouvelles solutions technologiques et des outils d’aide à la décision.
L’objectif principal de W-SMART dans ce secteur est d’identifier des nouvelles solutions technologiques en cours de développement industriel, généralement par des corporations de start-up et de créer des partenariats de recherche et développement avec des opérateurs, membres de W-SMART , et des pôles de recherche spécialisés afin d’accélérer le développement de ces technologies, leurs expérimentations sur des chantiers pilotes et leur évaluation en vue de leur industrialisation. W-SMART participe à la conception et la réalisation de ces projets et peut également offrir des supports techniques pour accélérer la normalisation, voire l’acceptation par les instances régulatrices de ces nouvelles technologies.
L’évaluation des pratiques adoptées par les opérateurs pour la conception, l’exécution et l’évaluation des exercices de gestion de crise.
À l’issue du Workshop W-SMART 08, organisé en Israël à l’initiative de MEKOROT, sur les pratiques de gestion de crise, et notamment sur la formation des managers et sur l’exécution et l’évaluation des exercices simulant des incidents réels ou des scenarii de référence, un programme d’échange d’expérience, d’observation pendant l’exécution des exercices et d’évaluation mutuelle de ces pratiques a été mis en place. Il permet de promouvoir et de faciliter la participation des membres de W-SMART et d’AMWA en tant qu’observateurs à l’exécution et l’évaluation des exercices de gestion de crise sur invitation des membres organisateurs. Les observations apportées par ces observateurs dans des séances de debriefing, inspirées par leur propre expérience, ont été très appréciées par les opérateurs organisateurs de ces exercices.
Dans le cadre de ce programme, on peut noter les exercices réalisés par MEKOROT, pendant le workshop, par le Great Cincinnati Water Works en coopération avec l’EPA, et Eau de Paris. Il est à noter que les pratiques déployées par les opérateurs sont très fortement influencées par leur contexte institutionnel, socioculturel et opérationnel. La synthèse des expériences acquises fait aujourd’hui l’objet des travaux d’un groupe d’experts qui ont pour objectif de développer des recommandations concrètes et des stratégies de benchmarking avec des mesures de performance appropriées pour le planning, l’exécution, l’évaluation et le debriefing des exercices de gestion de crise.
Recherche, développement, et évaluation des nouvelles technologies
Le projet principal de R&D de W-SMART est actuellement le projet BIOCOM (BIOlogical Control & On-site Monitoring) sélectionné et financé par l’Agence nationale de la recherche du gouvernement français, sous le patronage d’un Comité de pilotage interministériel avec la participation des délégués du ministère de la Défense et du ministère de la Santé. Le projet a été conçu avec la coopération d’un groupe technologique israélien BIOGEM qui est à l’origine du développement de la technologie faisant l’objet de ce projet.
Le Consortium de recherche, créé à l’initiative de W-SMART , rassemble notamment les partenaires suivants : Eau de Paris, en tant qu’opérateur pour l’évaluation de la technologie sur un chantier pilote, l’HERITIER en tant qu’industrie productrice d’un bio-senseur conçu pour le système de contrôle et de surveillance proposé, et les pôles de recherche spécialisés de l’Université de Lille, de KWR (Pays-Bas) et d’INER IS (laboratoire d’évaluation des risques industriels du ministère de l’Écologie), et W-SMART , apportant une expertise internationale au développement de ce projet.
Doté d’un budget de 2M d’euros, cofinancé par l’ANR et les partenaires, le projet BIOCOM a pour objectif le développement du premier système intégré de bio-control, en associant une surveillance intelligente avec des senseurs innovants pour la bio-détection in situ et une plateforme interactive de communication et d’aide à la décision.
Conçu pour la gestion de la sécurité de l’eau tant par les opérateurs publics et privés que par les experts du gouvernement et/ou d’organismes militaires, le système BIOCOM fournira aux directeurs d’opération et de sécurité des services de l’eau des outils de supports opérationnels, fiables et efficaces, pour : i) l’intégration des nouveaux bio-détecteurs dans les systèmes de surveillance intelligents ; ii) l’identification des risques de biocontamination et des vulnérabilités du système ; iii) l’évaluation et la classification de la sévérité de chaque événement de bio-contamination ; iv) l’analyse des conséquences et de la propagation des zones à risque élevé ; v) l’analyse de la situation, minimisant les fausses alertes, et facilitant la prise de décisions concernant les mesures à prendre ; vi) le suivi spatial et temporel des conséquences des mesures prises ; et vii) la communication avec tous les acteurs concernés, les médias, les usagers, etc.
La méthodologie de BIOCOM pour la bio-détection in situ est rendue possible par l’utilisation de technologies optiques brevetées initialement conçues pour les militaires. Le système BIOCOM , utilisant des algorithmes développés pour d’autres secteurs industriels, permettra d’optimiser l’intégration de ces solutions technologiques dans le développement des systèmes de surveillance intelligents. Le développement du système intégré de contrôle, d’analyse en temps réel et de gestion des risques microbiologiques devrait permettre aux gestionnaires des réseaux d’eau potable d’améliorer considérablement la capacité de réponse aux urgences et d’assurer la sécurité pour préserver la santé publique.
Ce système est construit autour de trois axes fondamentaux :
1) Un dispositif de détection optique et d’énumération in situ des pathogènes biologiques, rendu possible grâce à une technique innovante de comptage de photons dans un grand champ d’analyse.
2) Un dispositif de préparation des échantillons (fluorescent filtering device).
3) Un système d’aide à la décision pour l’évaluation et la gestion des risques biologiques, permettant d’intégrer des outils de support, des algorithmes de décision et des moyens efficaces pour la visualisation et la communication de l’analyse spatiale et temporelle de la situation sur une plateforme permettant de se connecter aux diverses agences impliquées dans la gestion de la crise.
Les performances actuelles du prototype du système de détection et d’énumération peuvent être résumées comme suit :
– Grand champ de détection (Ø 25 mm) ;
– Analyse en une seule prise de vue ;
– Localisation précise de la détection permettant une confirmation en cas d’artefacts ;
– Détection des micro-organismes de la taille de 1 à 2 μm et donc bien en dessous de la dimension du pixel ;
– Détection de viabilité de la bactérie par une analyse temporelle de la fluorescence au cours du processus de croissance ;
– Possibilité de mesurer dans un pixel une fluorescence extrêmement faible afin de réduire le temps de croissance nécessaire pour assurer une détection efficace (le temps de détection pour l’Ecoli étant actuellement réduit de 16 heures, pratique courante, à 6 heures et pour le Cryptosporidium à 3 heures).
La prochaine étape de ce projet porte sur l’évaluation du système BIOCOM par l’opérateur, Eau de Paris, à partir d’un protocole d’essais sur un site pilote et la comparaison de sa fiabilité et de son efficacité à celles des méthodes utilisées lors des essais en laboratoire. Cette évaluation devrait permettre une validation et une amélioration du prototype du système en vue de sa normalisation, voire acceptation, par le comité de pilotage pour son utilisation pratique dans la détection in situ de biocontamination et la gestion des crises microbiologiques afin de permettre aux gestionnaires des réseaux d’eau potable d’améliorer considérablement leur capacité à assurer la sécurité de leurs réseaux.
Conclusion
Ce qui nous semble remarquable, en tant que fondateurs de W-SMART , c’est la richesse des échanges qui ont lieu à l’occasion du partage d’expériences et lors de la confrontation des différentes pratiques déployées par les opérateurs face aux défis communs de la sécurité des réseaux métropolitains d’alimentation en eau potable.
L’expérience de W-SMART nous conduit aux réflexions suivantes :
– Les services de crise représentent, de l’avis général des opérateurs, un moyen nécessaire et incontournable de préparation des agents aux situations délicates et à la validation des procédures.
– Les opérateurs des services de l’eau ne sont pas seuls face aux crises : la présence et l’implication des acteurs, notamment les responsables politiques, augmentent avec le niveau de conséquence, réel ou imaginaire, susceptible d’affecter les populations. Dans ces conditions, il est essentiel pour les opérateurs d’apporter rapidement des éléments d’information précis, compréhensibles et correctement formatés aux autorités externes.
– Les différences institutionnelles, culturelles et opérationnelles, entre les environnements dans lesquels les opérateurs doivent assumer leurs responsabilités ont bien souvent conduit à des pratiques de gestion de crise et à des modes opératoires très différents notamment dans les relations entre les opérateurs et leurs autorités de tutelle.
– Cependant, les échanges sur ces enjeux sont indispensables afin de pouvoir bénéficier de l’ensemble des expériences acquises à ce jour pour améliorer les pratiques actuelles de gestion de crise, accélérer l’évaluation des nouvelles solutions technologiques, et évaluer les mesures de sécurité envisagées par les autorités nationales ou fédérales et développer le dialogue nécessaire avec ces autorités sur les impacts opérationnels, sécuritaires et financiers de ces mesures. Aussi, la synthèse des expériences acquises et l’analyse des résultats obtenus en utilisant des pratiques différentes, dans leur contexte opérationnel spécifique, sont de nature à stimuler l’imagination des opérateurs pour proposer des solutions localement innovantes et originales.
– C’est dans ce contexte que la participation des membres de W-SMART et d’AM WA en tant qu’observateurs dans des exercices de gestion de crise et les observations partagées dans des séances de debriefing ont été fortement appréciées par les opérateurs organisateurs de ces exercices. Enfin, nous aimons présenter W-SMART comme un réseau de réseaux qui au travers de ses membres a accès à un vaste espace où l’on trouve pêle-mêle:
– les réflexions et travaux de normalisation en matière de crise dans le domaine de l’eau à tous les niveaux : local, national et international ;
– les retours d’expérience et la recherche sur les nouvelles technologies et leurs applications
– une documentation bibliographique élargie et mutualisée particulièrement riche mais assortie de règles très strictes concernant sa diffusion.
En conclusion, les opérateurs ne peuvent se permettre d’attendre passivement les situations de crise dans un contexte mondial de plus en plus marqué par des changements brutaux, qu’ils soient climatiques, politiques ou économiques.
Si l’ouverture semble souhaitable afin de bénéficier des bonnes pratiques utilisées ici et ailleurs, celle-ci risque de conduire à un éparpillement préjudiciable. à W-SMART , avec l’expérience concrète des échanges fructueux, qui s’appuient résolument sur les besoins prioritaires d’opérateurs et leurs enjeux opérationnels, nous pensons avoir trouvé cette voie d’équilibre.
Les auteurs remercient les membres du consortium BIOCOM pour leurs contributions à la préparation du sommaire exécutive des travaux effectués dans le cadre de ce projet, notamment : Dr. Duguet Jean Pierre, Eau DeParis ; Prof. Jacques Philippe, Université de Lille, Jean Claude Robin, Optex Consultant, Erich Shaw, W-SMART et Dr. Jack Van de Vossenberg, KWR.